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Infini
Le mot « infini » (-e, -s) est un adjectif servant à qualifier quelque chose qui n'a pas de limite en nombre ou en taille. Il vient du latin infīnītus, dérivé de fīnītus « limité » (avec in-, préfixe négatif), issu lui-même du verbe fīnĭo, fīnīre (« délimiter », mais aussi : « préciser », « déterminer », et intransitivement « finir »), et du nom fīnis (souvent au pluriel, fīnes : « bornes, limites d'un champ », « frontières d'un pays ») ; il signifie donc, littéralement « qui est sans borne », mais aussi « indéterminé » et « indéfini ».
Lorsqu'il est substantivé, l'infini désigne fondamentalement une notion mathématique, ainsi qu'un concept philosophique, métaphysique ou théologique, dont les paradoxes ont nourri depuis longtemps et nourrissent encore l'histoire de la pensée dans le monde entier.
Le symbole de l'infini, en mathématiques et au-delà des mathématiques, est « ∞ », inventé par le mathématicien John Wallis au XVIIe siècle, signe dont l'origine est controversée et dont la forme peut évoquer un « 8 » horizontal (mais ce n'est pas en référence au chiffre 8 que ce signe fut choisi) ; cette forme a été rapprochée de celles de la lemniscate de Bernoulli ou du ruban de Möbius. Celles-ci sont d'ailleurs aussi des figurations possibles de l'infini ou de l'inaccessible mouvement perpétuel, mais figurations « à la limite » justement, pour un concept qui est par définition ou par nature impossible à figurer.
La notion d'infini a fortement marqué l'histoire de la philosophie occidentale au moins depuis l'antiquité grecque, notamment dans la tentative de concilier la théologie chrétienne (dans ses réflexions sur le caractère à la fois infini et réel ou « actuel » de la nature divine) avec la pensée néoplatonicienne et l'aristotélisme, et singulièrement avec la distinction conceptuelle d'Aristote entre « l'infini en acte, effectif et concret, qui ne peut se réaliser dans la nature, et l'infini en puissance, celui que peuvent imaginer les hommes, le seul à exister », mais seulement en tant que concept abstrait et potentialité. Les grandes étapes de cette réflexion ont probablement été, depuis le mystérieux Livre des XXIV philosophes, du IVe siècle au XVe siècle, les œuvres de : Marius Victorinus, Boèce, Jean Damascène, Thomas d'Aquin, Raymond Lulle, Jean Duns Scot, Nicole Oresme, et surtout Nicolas de Cues (voir la section « Une avancée vers l'Infini » de l'article consacré à ce dernier). Sans oublier que c'est entre autres sa vision d'un univers infini constitué d'une infinité de mondes finis chantant tous la gloire de Dieu présent partout (au risque, pour l'Inquisition de confondre le Créateur avec sa création) qui a valu le bûcher à Giordano Bruno, à l'orée du XVIIe siècle.
Toutefois, cette notion d'infini a connu depuis le XVIIe siècle dans la pensée occidentale, ainsi que dans l'histoire des mathématiques et des sciences, un rebond spectaculaire, notamment à partir du développement du calcul infinitésimal par Fermat, Leibniz et Newton (et déjà dans les œuvres de Descartes, de Pascal et de Spinoza). Ces innovations en mathématiques (mais aussi en physique) ont induit un changement radical de perspectives : ainsi, Alexandre Koyré affirme que « la substitution d'un univers infini et homogène au cosmos fini et hiérarchiquement ordonné de la pensée antique et médiévale implique et nécessite la refonte des principes premiers de la raison philosophique et scientifique ».